Long-temps après le coucher du soleil, M. de Créqui et le duc de Guise, qui avaient soupé ensemble à l'hôtel de Créqui, situé près du Louvre, dans la rue des Poulies, jouaient tous deux à la triomphe, avec une ardeur que l'effet de la bonne chère et du sommeil ne refroidissait pas encore : ils étaient gros joueurs l'un à l'autre, et le jeu plutôt que le souper motivait leur réunion, qui avait été jusque-là cordiale et joyeuse.
Gillot, qui entendait les jurons et les coups, se hâta d'équiper le premier cheval qui s'offrit à lui dans l'obscurité de l'écurie; car il craignait que l'exemple de M. de Créqui ne gagnât le duc de Guise, qui se modérait assez ordinairement pour ne pas châtier de ses propres mains les fautes de ses gens; d'ailleurs Gillot, dont l'ivresse était si peu dissipée qu'il chancelait et fermait les yeux à chaque pas, n'était pas moins impatient que M. de Guise de rentrer au logis, pour y dormir à son aise.
Publié dans la rubrique « Feuilleton du Siècle. » Cet extrait est intitulé : « Histoire galante. - 1603. » Remarque de clôture : « (La suite à demain). »