Haquenée (La) - Feuilleton 12

Journal:
Date du feuilleton: 
27 juillet 1837
Première phrase du feuilleton: 

Schariar était resté long-temps évanoui, sans mouvement et presque sans haleine, car non seulement la chute de cheval et le choc réitéré de sa tête contre le pavé, pendant que la haquenée le traînait suspendu par le pied à l'étrier, avaient entièrement bouleversé le cours de son sang et affecté même son cerveau, mais encore le vin dont il s'était gorgé dans la cave en attendant le sire de Créqui, et les violentes passions de sa lutte forcencée avec Alcanzer, avaient produit une espèce de léthargie mêlée d'ivresse, si profonde et si complète, que les domestiques du duc de Guise le regardèrent comme mort et le laissèrent gisant sur le carreau d'une salle ouverte à tous les vents, dans cet hôtel inhabité.

Dernière phrase du feuilleton: 

Descendre de cheval, pénétrer en la salle basse où le corps d'Alcanzor nageait dans le sang, soulever ce corps raidi, l'attacher en travers aux arçons de la selle, remonter sur la croupe pour conduire ce hideux fardeau à sa destination, tout cela ne demanda que quelques minutes à Schariar, qui ne fut par rallenti par un seul mouvement de honte ou de remords dans les préparatifs de son incroyable projet : le transport du cadavre ensanglanté aurait sans doute attiré l'attention des passans et fermé la retraite à la haquencée, si le logis du commissaire enquêteur, chez lequel se rendait Schariar, avait été plus éloigné; mais ce commissaire, nommé Basilas Sabatier, habitait, en vertu de l'arrêt fondamental de 1551, près de la porte de Bussy, dans une vielle masure appartenant à la ville, et décorée des armes de Paris peintes au-dessus de la porte avec les noms et qualité de noble homme Basilas Sabatier, spécialemment chargé de faire la recherche des crimes, délits et mauvais train; tenir la ville et les citoyens en paix, union et sûreté, faire purger la ville des boues et immondices; purger l'air et les maladies contagieuses; empêcher les regratiers des poulailles, volailles, etc.; mais Schariar ne se donna pas l'ennui de lire les détails multipliés de la charge du commissaire enquêteur, énumérés dans un long placard affiché sur la muraille, pour que personne n'en ignorât, disait cet imprimé à demi effacé par les injures de l'air et des saisons.

Remarques: 

Publié dans la rubrique « Variétés. » Cet extrait est intitulé : « Histoire galante. - 1603. » Remarque de clôture : « (La suite à demain). »