Schariar heurta des pieds et des mains contre la porte avec tant de violence que maître Basilas Sabatier, réveillé en sursaut, crut que le feu était aux quatre coins de Paris, ou bien que la Ligue avait recommencé les troubles de la guerre civile : maître Basilas, qui exerçait les fonctions de commissaire enquêteur du Châtelet depuis la réforme de 1551, avait assisté à toutes les révolutions que le royaume éprouva dans ce long espace de temps, et s'était persuadé, à force de voir des changemens politiques, des massacres, des crimes et des misères de toute espèce, que le règne de l'Antechrist approchait; il croyait que d'un instant à l'autre les trompettes du jugement dernier sonneraient, et que Dieu viendrait sur une nuée juger les vivans et les morts.
Pendant que le lieutenant expliquait aux principaux de la bande le traitement qu'il réservait à Schariar, on l'avait enlevé de dessus la selle, on l'avait garrotté, baîllonné; ensuite on l'avait attaché par les pieds à la queue de la haquenée, qu'on tenait fortement par la bride; puis, on pendit à la croupe de cette jument encore échauffée de la traite qu'elle venait de faire, des bouquets d'orties et de chardons qui devaient l'exciter par mille piquans mis en jeu dans sa course; et quand ces apprêts, que Schariar suivait d'un œil flamboyant, furent achevés, on lâcha la bride et on aiguillonna avec les poignards la haquenée, qui partit au galop en hennissant de douleur, et lançant des ruades et entraînant après elle l'assassin d'Alcanzor, meurtri, brisé, déchiré contre les pierres, les arbres et le haies, un immense éclat de rire s'éleva des champs de seigle; Schariar n'était déjà plus qu'un cadavre en lambeaux.
Publié dans la rubrique « Variétés. » Cet extrait est intitulé : « Histoire galante. - 1603. » Remarque de clôture : « (La fin à demain). »